Terres ascendantes, Chapitre 4 (1157 mots)

4. Notes du Trois Kasas de l’an soixante cinq ; par le marchand

Nous avons atteint la petite bourgade de Tétol, en aval du fleuve Sloda. Le voyage a pris quatre jours depuis la cité d’Hitess. Les habitants sont accueillants et semblent disposer de belles lames ouvragées, conçues pour l’estoc. Je n’en ai encore acquis qu’une, mais j’ai bon espoir de faire mieux plus tard. -Penser à acheter plus de jarres la prochaine fois que je passerai à Karsam, les gens d’ici m’en donneront un bon prix.-

Timmy a encore fait des siennes aujourd’hui. Il m’a ramené un adolescent d’une dizaine d’année, à demi mort de faim, et a demandé à ce qu’on le nourrisse. Il semblait véritablement ému par le sort de ce garnement… Je l’ai laissé partager ses rations : après tout ce sont les siennes. Continuer la lecture de « Terres ascendantes, Chapitre 4 (1157 mots) »

Terres Ascendantes : Chapitre 3 (1153 mots)

Chapitre 3 : Le fils d’une femme solitaire ; par la mère

Timmy s’est toujours surpassé. Il est le digne fils de son père. Plus que ça même. Déjà tout petit, il n’avait de cesse de m’étonner. Nous vivions dans les plaines désertiques de l’ouest, à l’écart de toute présence humaine. C’était ma faute bien entendu, je ne pouvais tout de même pas me montrer en public. La marque de l’infamie ne disparaîtrait jamais de mon front. Deux lignes courbes entremêlées, inscrites à jamais dans ma chair par le métal incandescent. La marque de la honte. Je suppose que nous devons tous porter le poids de nos erreurs passées, mais j’ai toujours détesté l’idée que mon fils les subisse lui aussi. Continuer la lecture de « Terres Ascendantes : Chapitre 3 (1153 mots) »

Terres ascendantes, chapitre 2 (1600mots)

2. Compte rendu ; par la princesse

Mon cœur est lourd et mes mains fébriles, je ne suis probablement pas en état d’écrire où de penser correctement. Mais je sais que si je ne les consigne pas immédiatement, alors qu’ils sont encore frais à mon esprit, les événements de ce soir reviendront sans cesse me hanter. Le roi mon père est mort, les restes de son corps maculent le tapis royal. Mais étrangement ce n’est pas son décès qui m’émeut le plus. Un peu plus tôt dans la soirée, le fils de l’étoile est mort de sa main. Mon cœur s’agite encore davantage de penser à cet homme… Il était superbe.

Lorsque mon père apprit que son armée revenait de campagne, il s’empressa de les rejoindre pour être informés de leurs pertes. De leur victoire ou de leur défaite. C’était la quatrième expédition qu’il envoyait contre les compagnons du fils de l’étoile. Les soldats des expéditions précédentes avaient décrit une cité immense, cernée de murailles hautes comme trois hommes. Lorsqu’ils s’en étaient approchés, une pluie de feu s’était abattue sur eux et un cercle de flammes avait entouré la ville. Trois tentatives de prendre la cité s’étant soldées par autant d’échec, mon père était très inquiet du résultat de la quatrième, dont dépendait sa réputation vis-à-vis de ses rivaux. Plusieurs fois pendant ces dernières semaines, il s’était réveillé au beau milieu de la nuit en hurlant, terrorisé par des cauchemars dont il n’avait rien voulu dire. Cette fois-ci cependant, ses craintes étaient infondées. Ses troupes revenaient victorieuses. Père avait envoyé toutes ses forces là-bas, craignant la puissance de l’ennemi, mais en fait les pertes avaient été plutôt faibles.

Son commandant révéla qu’une fois la porte principale enfoncée, ils n’avaient rencontrés que peu de résistance. Puis il fit deux cadeaux à mon père : le premier : le fils de l’étoile et sa famille, au grand complet, enchaînés et bâillonnés. Le second, une statuette d’ivoire blanc, finement ouvragée et représentant un animal exotique marchant à quatre patte et doté d’une épaisse crinière. Celle-ci était peinte en rouge feu, ce qui donnait à l’animal une allure royale. Père dit que les brigands avaient du voler ce bijou, mais à mon avis ils l’avaient plutôt fabriqués eux-mêmes. Le commandant me le confirma un peu plus tard en m’offrant une autre statuette, un animal marin ressemblant à un poisson, mais avec un long bec à l’avant. Il est représenté sautant hors de l’eau et dégage une réelle expression de joie. Je n’avais jamais entendu parler de telles créatures auparavant…La cité qu’ils ont détruite était réputée pour bien des choses, et ce n’est pas le premier bel objet que j’en reçois. Mon père savait l’influence de cet endroit et c’est pour cela qu’il l’a attaquée. Les richesses importe peu, c’est le prestige d’avoir détruit un si bel endroit qu’il voulait. Tous les seigneurs des environs s’inclineraient devant lui à présent, s’il n’était pas mort.

Je n’ai vu de mes propres yeux le fils de l’étoile qu’un peu plus tard dans la soirée. Il était très vieux, peut-être même avait-il dépassé la cinquantaine. Et pourtant il était incroyablement beau. Ses traits dégageaient une telle noblesse… Il était vêtu simplement, mais en vérité c’était parce qu’il n’attachait pas d’importance à ces choses. Il fut amené devant mon père, la tête haute bien que les yeux pleins de larmes retenues. Ses yeux, qui en scintillaient d’une façon que je n’avais jamais observée chez un homme, pleine d’émotion mais aussi de dignité. Un garde le frappa dans les jambes pour le forcer à s’agenouiller comme le veux la tradition. Sa famille ne bougeant pas pour montrer du respect à mon père, les gardes durent également les frapper, même la petite fille de cinq ans. Mais ils ne parvinrent pas à faire asseoir celle-ci car elle se relevait sans cesse, petit bout de chou qui n’avait pas conscience du sang qui commençait à couler de ses jambes à force de coups. Elle refusait catégoriquement de se soumettre, se relevant encore et toujours. Un garde finit par l’assommer pour avoir la paix.

Jouissant de sa victoire, mon père a commencé à interroger le fils de l’étoile. Pour toute réponse, celui-ci lui adressa un regard incroyable. Il était là, devant nous, de nos richesses et de nos hommes, ses pieds et ses mains étaient liées, sa peau et ses vêtements souillés par des jours et des jours de marche. Et pourtant l’essence de son regard n’était pas ni la soumission, ni la rébellion, mais bien une incompréhensible compassion. Gêné que cet homme lui résiste devant sa cour, mon père commença à le frapper. Les mains liées, le fils de l’étoile ne tarda pas à tomber par terre et, bien trop vieux, il fut incapable de se relever seul. Mon père le fit redresser par un garde et recommença à l’interroger. Après un soupir l’homme finit par lui répondre.

Est-il vrai que tu es le fils d’une étoile ? Avait demandé mon père.

Oui… Mais ce n’était rien de plus qu’une créature de chair et de sang, comme chacun d’entre nous. Il disposait simplement de plus de bonté que d’autres.

Insolent ! Tu ne comprends pas combien ce que tu as fait est pas bien !

Peut-être. Mais de mon coté, je ne pense pas que vous ayez la moindre idée de ce que vous venez de détruire.

Sale chien ! Tu adorais ça vivre dans le péché hein ? Il suffit de voir comment tu as été incapable de défendre les tiens : un faible. Regarde ta femme, elle va passer la nuit avec moi ce soir.

La force ne vous donnera pas la légitimité dont vous rêvez. Cette nuit notamment, prenez garde à ce qu’aucun de vos commandants ne profite de votre plaisir pour vous exécuter. Peu l’en blâmeraient.

Fou de rage, mon père arracha l’arme d’un des gardes à cotés de lui et lança la lame vers le cou du fils de l’étoile. Mais il n’avait pas frappé assez fort et la gorge ne fut tranchée qu’à demi. Il dû s’y reprendre à nouveau pour finir de décapiter le fils de l’étoile.

Les enfants du fils de l’étoile étaient pétrifiés. Sa femme éclata en sanglot et, brisée, s’effondra sur le sol. Un de ses fils la prit dans ses bras pour la consoler, lui-même fixant mon père avec défiance. Celui-ci annonça que toute la famille travaillerait comme esclaves au palais et, s’approchant de la plus jolie des filles, déclara qu’elle entrerai dans son harem personnel.

C’est à ce moment que la scène fut interrompue. Une jeune homme d’une vingtaine d’année, au regard étrange et profond, vêtu de frusques déchirées mais marchant très droit, entra dans la pièce. Son corps était si frêle et décharné qu’on n’aurait pas été étonné de le voir s’effondrer sur le champ. Mais nous fîmes une grosse erreur en le jugeant sur son apparence physique : ce n’était qu’une façade. Les gardes tentèrent de l’empêcher d’avancer, mais il les repoussa avec tant de force qu’ils allèrent s’écraser contre les murs. L’un d’entre eux percuta une colonne, qui se brisa sous le choc. Les autres gardes hésitèrent devant ce petit bout d’homme. Leur fidélité à mon père était suffisante pour qu’ils s’en prennent à un pauvre hère sans défense mais celui-ci semblait dangereux. Mieux valait laisser sa majesté s’en occuper…

L’enfant posa le regard sur le corps du fils de l’étoile. Son père manifestement, car il y avait une ressemblance entre leurs traits. Mais ses yeux semblaient sauvages, pleins de rage et de violence à peine contenue, tout à l’opposé de son père. Le visage déformé par un rictus de haine il semblait plus animal qu’humain. Pour cette raison d’ailleurs, tout le monde fut très étonné de l’entendre s’exprimer haut et clair, d’un accent raffiné. Il dit quelque chose de la sorte :

Je n’avais pas à me mêler de la défense mais j’estime qu’il me reste un devoir de vengeance.

Et à partir de ce moment ce fut la débâcle. Le jeune homme bondit sur mon père… un saut de plusieurs mètres de long ! Il commença par lui rompre le cou en le faisant effectuer un demi tour. Mon père eut à peine le temps d’avoir peur, et ne souffrit probablement pas. Il était déjà mort à cet instant, mais le jeune homme n’en resta pas là pour autant. Il continua en lui fracassant le crâne contre le sol, avant de s’acharner sur le cadavre comme un charognard doté d’une force prodigieuse. Il était comme un animal : violent mais efficace, sans aucune cruauté mais sans aucune gène non plus. Je l’ai vu porter à ses lèvres la chair de mon père. Je ne regarda pas la suite, mais j’ai revu le corps de mon père depuis. Ce n’est pas qu’un tas sanguinolent de chairs écrasées, encore plus répugnantes que ne le fut mon père de son vivant. Je ne le regretterais pas. Le général Jodo, qui revient donc de campagne contre les gens du fils de l’étoile, m’a demandé ce matin de l’épouser, pour qu’il puisse monter sur le trône en lieu et place de mon père… Je ne sais pas encore ce que je vais lui répondre. Je voudrais surtout rendre les événements de ce soir plus clairs dans ma tête…La famille du fils de l’étoile est repartie avec l’enfant-démon et personne ne les a suivis. Je ne devrai peut-être pas penser ainsi, mais je reste convaincue que si un homme de valeur est mort ce soir, c’est bien le fils de l’étoile, quel qu’il ait été.

(Lien vers le chapitre 3)

Terres Ascendantes, Chapitre 1 (625 mots)

1. Compte-rendu anonyme

Compte-rendu découvert gravé dans l’argile cuit, dans les ruine d’un temple incendié.

Nous sommes le quinzième jour du sixième mois de la quatorzième année de règne de notre seigneur Banodon Troisième du nom. Aujourd’hui encore, grâce à sa grandeur, notre monde est devenu un peu plus sûr. La glorieuse armée de notre monarque a réduit à néant le campement d’une bande de gueux qui dévalisait les environs, appauvrissant le royaume et répandant leurs mœurs infâmes. Fort de milliers de guerriers, ces sauvages ont tentés de résister, mais ils furent balayés d’un revers de main par sa toute-puissance. Les immenses richesses que ces brigands avaient accumulées à force de pillages reviennent à présent à leur propriétaire légitime, le roi des rois, notre seigneur Banodon.

Le chef de ces vandales se tient désormais devant sa majesté, agenouillé en signe de respect. Encadré par les nobles combattants de la garde personnelle de notre souverain, le barbare accepte de prononcer les serments de soumissions, conscient de la supériorité de notre seigneur Banodon. A ses côtés sa famille se prosterne avec ferveur. Mais la magnanimité de sa Grandeur a ses limites, il ne peut permettre à de tels brigands de survivre sur ses terres. Avec son élégance naturelle, il s’avance vers le chef des vandales.

Celui-ci est un vieil homme au regard pervers et aux doigts griffus. Sa peau est couverte de pustules. Il porte quelques étoffes qui lui confèrent une certaine élégance, mais rien qui puissent rivaliser avec le raffinement de sa majesté. Il court d’étranges rumeurs au sujet de cet homme. Certains prétendent qu’il est le fils d’une étoile, tombée il y a bien longtemps sur Terre. Mais notre seigneur n’est guère effrayé par cet enfant céleste et il le questionne sans crainte :

Est-il vrai que tu es le fils d’une étoile ?

Oui monseigneur. Mais d’une étoile déchue qui ne vous égalait en rien.

Allons, allons. Et comprends-tu la gravité de tes actes ?

Oui monseigneur, et je regrette.

C’est bien. Je t’accorde mon pardon. Désires-tu retourner vivre dans le péché maintenant ?

Non monseigneur, mon seul désir désormais est de mourir de votre main.

Qu’il en soit ainsi.

Soulevant avec facilité la lourde lame que lui tendait son garde du corps, sa majesté en apposa délicatement le tranchant contre le cou du misérable et, d’un coup vif, le libéra de son existence malsaine.

Pendant que le corps est évacué, il est proclamé que le reste de la famille a le droit de racheter ses fautes en servant dans la maisonnée royale. La plus digne des filles aura l’honneur d’entrer au harem de sa magnificence. Manquant totalement de retenue, la femme éclate en sanglot devant la cour et se vautre sur le sol en poussant des gémissements.

Un jeune homme vient d’entrer. Il semble un enfant tant il est petit, mais sa carrure est celle d’un adulte. A sa vue la femme cesse de pleurer et veut se précipiter pour l’enlacer, mais les gardes la retiennent. Impudent, l’enfant foule le tapis rouge menant à sa majesté. Devant tant d’audace, les gardes se…

Fin du compte-rendu.

Lien vers le Chapitre 2